Quand j’étais enfant, tout avait meilleur goût. Les repas de ma tendre maman étaient de véritables chefs-d’œuvre du quotidien, cuisinés avec amour et surtout… fraîcheur. Rien ne venait du supermarché : tout sortait directement de ses champs. Le taro, le macabo, le plantain, le haricot, les légumes, les fruits… tout était récolté le jour même, sans additifs, sans transformation, sans délai. C’était ça, manger naturel. Et naturellement, c’était bon. Pour les papilles, pour le corps, pour l’âme.
Mais vient toujours ce moment où l’on quitte le nid familial, les bras rassurants et les saveurs authentiques. L’heure de voler de ses propres ailes. On rêve de liberté, de choix, d’indépendance… sans trop se douter de ce qu’on laisse vraiment derrière soi.
Une adaptation incomplète
Dieu sait que j’ai reçu en héritage une capacité d’adaptation hors normes. Elle m’a portée dans bien des domaines. Mais il y a un domaine où je n’ai jamais réussi à m’adapter, même après 20 ans : la nourriture. Mon estomac, mon palais, mon corps entier n’ont jamais vraiment fait la paix avec les repas de la ville.
Pourtant, au début, tout allait bien. Mes parents m’envoient régulièrement des vivres du village. J’alternais avec quelques envies de « liberté culinaire » (les bonbons que je ne pouvais jamais manger chez moi !), et tout se passait plutôt bien.
Mais les choses se gâtent quand maman tombe malade. Moins de vivres, plus de courses à faire. Et là commence mon vrai calvaire urbain.
Le choc des prix et des goûts
Premier choc : les prix. Ce que mes sœurs vendaient 1000 FCFA au village (un régime entier de plantain, aussi long qu’un adolescent basketteur), je dois désormais l’acheter par quatre doigts, au même prix. Incroyable, et pourtant bien réel.
Deuxième choc : le goût. Le plantain a la même forme, mais pas le même parfum. Le haricot est là, mais il manque quelque chose. Est-ce le gaz ? On dit souvent que ça tue le goût. Je passe alors au charbon. Mais non. Toujours cette impression de fadeur, de trahison du goût originel.
J’essaie de compenser, d’ajuster, de retrouver quelque chose. Mais rien n’y fait. Je me rends alors compte que ce que je prenais pour acquis – ces repas simples mais puissants, quotidiens mais délicieux – étaient en réalité un trésor que je n’ai jamais su assez remercier.
Une santé qui décline… et l’espoir qui tient
Depuis, ma santé est devenue fragile. Est-ce l’eau ? Est-ce l’huile ? Est-ce le sol qui ne nourrit plus pareil ? Ou est-ce simplement mon corps qui réclame ses racines ? Je ne saurais dire. Mais je sais une chose : ça doit changer.
Cela fait 20 ans. Vingt longues années. Et pourtant, j’attends encore ce jour où je pourrai retrouver le vrai goût du taro, celui du plantain qui nourrit vraiment, celui du haricot qui console.
Car oui, le goût des repas change selon la localité. Et ce n’est pas qu’une question de cuisine, mais une question de terre, de lien, d’identité.
Et vous, avez-vous vécu cette transition entre la nourriture du terroir et celle des villes ? Qu’est-ce qui vous manque ? Et si, ensemble, on repensait notre rapport à l’alimentation, à nos origines, à la qualité, et à notre santé ?
Leave a Reply