L’agriculture constitue le socle de nombreuses économies africaines, employant une part significative de la population et contribuant de manière substantielle au Produit Intérieur Brut (PIB) du continent. Dans un contexte marqué par une croissance démographique rapide et les défis inhérents au changement climatique, l’identification et la promotion de cultures à haute rentabilité, conjuguées à la valorisation de leurs produits dérivés par l’industrialisation, s’avèrent cruciales. Cette approche est essentielle pour garantir la sécurité alimentaire, générer des revenus stables et stimuler un développement économique durable. Le présent rapport vise à explorer les cultures les plus rentables de l’agriculture africaine, en analysant leurs aspects économiques, leurs produits dérivés industrialisables et leur utilité, en s’appuyant sur des sources fiables et vérifiables. L’objectif est de fournir une vue d’ensemble des opportunités d’investissement et de développement dans le secteur agricole africain, en mettant en lumière les filières à fort potentiel de croissance et de création de valeur ajoutée.
Pour cette première partie de notre série d’articles, nous nous concentrerons spécifiquement sur deux cultures qui jouent un rôle prépondérant dans l’alimentation et l’économie de nombreuses régions africaines : le maïs et le manioc. Nous examinerons leur rentabilité, les coûts de production associés, leurs produits dérivés industrialisables et leur utilité intrinsèque, afin de cerner les raisons pour lesquelles elles représentent des opportunités d’investissement si prometteuses. Les prochaines parties de cette série aborderont d’autres cultures clés, telles que la tomate et le piment, offrant ainsi une perspective complète sur le potentiel agricole du continent.
Maïs
Le maïs (Zea mays L.) est une céréale d’une importance capitale en Afrique, constituant une base alimentaire pour des millions de personnes et une composante essentielle de l’alimentation animale. Sa culture est largement répandue sur l’ensemble du continent, bien que sa rentabilité soit fortement influencée par les pratiques agricoles, les conditions climatiques et l’accès aux marchés.
Rentabilité et Rendements
Les rendements moyens du maïs en Afrique présentent une variabilité considérable, oscillant entre 1 et 10 tonnes par hectare, avec une moyenne de 2 à 4 tonnes par hectare dans la plupart des pays. Néanmoins, l’adoption de techniques modernes et de variétés améliorées, notamment celles tolérantes à la sécheresse, peut significativement accroître ces rendements, atteignant 8 à 10 tonnes par hectare, voire davantage. À titre d’exemple, en Afrique du Sud, le rendement attendu s’élève à 6,32 tonnes par hectare. Cette disparité souligne l’importance cruciale d’investir dans la recherche agronomique et de diffuser des pratiques culturales optimisées afin de maximiser la productivité.
Coûts de Production et Prix de Vente
Les coûts de production du maïs peuvent s’avérer élevés, principalement en raison des intrants tels que les engrais, les semences et la main-d’œuvre. En République Démocratique du Congo (RDC), le coût de production peut être 1,5 à 3,5 fois supérieur à celui observé en Zambie. Une étude a estimé le coût total de production par hectare de maïs à 126 444 FCFA (environ 264 USD), la main-d’œuvre (52,5%) et les engrais (25%) en étant les postes de dépense prépondérants. Les prix de vente du maïs sont sujets à des fluctuations saisonnières et régionales. Dans certaines régions, le prix au producteur peut atteindre 40 FCFA/kg, tandis que le prix rendu usine s’élève à 50 FCFA/kg. Le marché africain du maïs est en pleine expansion, avec une valeur estimée à 41,40 milliards USD en 2024 et une projection à 57,26 milliards USD d’ici 2030, affichant un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 6,70%.
Produits Dérivés et Industrialisation
Le maïs est une céréale polyvalente qui offre de nombreuses opportunités d’industrialisation et de valorisation. Il est largement utilisé pour l’alimentation humaine, contribuant à près de 20% des besoins caloriques journaliers en Afrique subsaharienne, ainsi que pour l’alimentation animale. Parmi les principaux produits dérivés, on retrouve :
- La farine de maïs : Essentielle pour la préparation de plats de base tels que le nshima, l’ugali ou le fufu. Des variétés de farine de maïs jaune précuite sans gluten sont également disponibles.
- L’huile de maïs : Extraite du germe de maïs, elle est employée en cuisine et dans l’industrie alimentaire.
- Le sirop de maïs et l’amidon : L’amidon de maïs est un ingrédient clé dans de nombreuses industries, incluant l’agroalimentaire (comme épaississant et édulcorant), le textile, le papier et même les cosmétiques. Le sirop de glucose, quant à lui, est un édulcorant dérivé de l’amidon de maïs.
- Les produits fermentés : Des spécialités locales comme le kenkey (Ghana), l’arraw (Sénégal) et le moni (Mali) sont élaborées à partir de maïs fermenté. Une partie de la production est également destinée à la fabrication de bière locale (chakpalo).
L’industrialisation du maïs permet une production à grande échelle de ces dérivés, répondant ainsi à la demande croissante de l’industrie avicole semi-industrielle (notamment en Côte d’Ivoire) et d’autres secteurs agroalimentaires. Cette transformation augmente significativement la valeur ajoutée et les revenus des producteurs. Le développement de chaînes de valeur intégrées, de la production à la transformation, est fondamental pour exploiter pleinement le potentiel économique du maïs en Afrique.
Utilité
L’utilité du maïs en Afrique est multifacette :
- Sécurité alimentaire : En tant qu’aliment de base, il joue un rôle crucial dans la lutte contre la faim et la malnutrition.
- Génération de revenus : La culture et la commercialisation du maïs, ainsi que la transformation de ses produits dérivés, constituent une source de revenus substantielle pour les agriculteurs et les acteurs de la chaîne de valeur.
- Alimentation animale : Le maïs est un ingrédient majeur dans la fabrication d’aliments pour le bétail, contribuant ainsi au développement de l’élevage.
- Usages industriels : L’amidon de maïs et ses dérivés trouvent des applications dans diverses industries, favorisant la diversification économique.
Manioc
Le manioc (Manihot esculenta Crantz) représente une culture vivrière essentielle en Afrique, souvent désignée comme le « pain des tropiques » en raison de sa résilience remarquable et de sa capacité à prospérer dans des conditions environnementales difficiles. Il est consommé par environ 70% de la population africaine et est reconnu comme une culture très rentable, surpassant parfois le maïs en termes de bénéfices.
Rentabilité et Rendements
Le potentiel de rendement du manioc est particulièrement élevé, pouvant atteindre 40 à 60 tonnes par hectare. Cependant, les rendements moyens observés sont fréquemment inférieurs en raison de pratiques culturales non optimisées. Grâce à l’adoption de techniques innovantes et de variétés améliorées, des rendements de 80 à 100 tonnes par hectare sont réalisables, générant un chiffre d’affaires de 2 à 3 millions de FCFA par hectare sur une période de 6 à 9 mois. L’intégration de variétés améliorées peut augmenter les rendements à environ 9 tonnes/ha, comparativement à 5,7 tonnes/ha pour les variétés traditionnelles, améliorant ainsi significativement la rentabilité.
Coûts de Production et Prix de Vente
Les coûts de production du manioc sont variables. Une étude a révélé un coût de maintien de la collection, des essais variétaux et d’amélioration des pratiques culturales s’élevant à 542 650 FCFA par hectare . Le ratio bénéfice-coût est souvent supérieur à 1, ce qui indique qu’un investissement de 1 FCFA dans la production de manioc peut générer en moyenne 5 FCFA de bénéfice. Les prix de vente du manioc frais en Côte d’Ivoire peuvent fluctuer, avec des prix de détail atteignant jusqu’à 593,75 FCFA par kilogramme. Les cossettes de manioc africaines destinées à l’exportation vers la Chine affichent un prix moyen CAF d’environ 400 $ par tonne métrique. Le marché mondial du manioc est en pleine croissance, avec une valeur estimée à 146,2 milliards USD en 2023 et une projection à 219,4 milliards USD d’ici 2032.
Produits Dérivés et Industrialisation
Le manioc est une culture d’une polyvalence exceptionnelle, offrant une multitude de produits dérivés industrialisables. Environ 70% de la production de manioc est transformée, principalement par la micro-industrie. Les principaux produits dérivés incluent :
- L’attiéké : Une semoule de manioc fermentée, très prisée en Côte d’Ivoire.
- Le gari : Une semoule de manioc granulée et torréfiée, constituant le produit à base de manioc le plus consommé et commercialisé en Afrique de l’Ouest.
- Le fufu : Une pâte obtenue à partir de tubercules bouillis, pilés et fermentés, largement consommée au Nigeria et au Cameroun.
- Le tapioca : Une fécule ou semoule de manioc, utilisée comme épaississant ou pour la préparation de desserts.
- La farine de manioc : Une alternative sans gluten à la farine de blé, employée dans la boulangerie et la pâtisserie.
- Les cossettes de manioc : Des tubercules séchés, utilisés pour l’alimentation animale ou comme matière première industrielle.
- Le glucose et le sirop de glucose : Des édulcorants dérivés de l’amidon de manioc par hydrolyse enzymatique, utilisés dans l’industrie alimentaire.
Le manioc trouve également des applications dans des industries non alimentaires telles que le textile et le papier. L’industrialisation de la filière manioc présente un potentiel significatif pour le développement économique en Afrique, notamment en RDC et au Nigeria, qui sont d’importants producteurs. Cette transformation permet de créer des produits à forte valeur ajoutée, de répondre à la demande locale et internationale, et de dynamiser l’économie agricole.
Utilité
L’utilité du manioc est multiple et essentielle :
- Sécurité alimentaire : En tant qu’aliment de base riche en calories, il joue un rôle crucial dans la lutte contre la faim, particulièrement en Afrique subsaharienne.
- Génération de revenus : La culture, la commercialisation et la transformation du manioc procurent des revenus substantiels aux agriculteurs et aux transformateurs.
- Alimentation animale : Le manioc est une source d’alimentation pour le bétail, contribuant à la bonne santé et à la résistance aux maladies des animaux.
- Usages industriels : Ses dérivés trouvent des applications dans diverses industries, offrant des opportunités de diversification économique.
- Résilience climatique : Le manioc est une culture intrinsèquement résistante à la sécheresse et aux sols pauvres, ce qui en fait un atout précieux dans un contexte de changement climatique.
Le maïs et le manioc se révèlent être des piliers essentiels de l’agriculture africaine, non seulement pour leur rôle crucial dans la sécurité alimentaire, mais aussi pour leur potentiel économique considérable. Leur polyvalence, la diversité de leurs produits dérivés industrialisables et leur capacité à générer des revenus en font des cultures stratégiques pour le développement durable du continent. L’investissement dans l’amélioration des pratiques culturales, l’adoption de variétés performantes et le développement de chaînes de valeur intégrées sont des leviers majeurs pour maximiser leur rentabilité et leur impact socio-économique.
La semaine prochaine, nous continuerons notre exploration des cultures les plus rentables de l’agriculture africaine en nous penchant sur la tomate et le piment, deux cultures maraîchères à forte valeur ajoutée et à grand potentiel d’industrialisation. Restez connectés pour découvrir les opportunités qu’elles offrent !


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