Par l’équipe Agrifrika
Quand on parle des difficultés que rencontre l’Afrique pour développer son économie agricole, on pointe souvent du doigt les ressources limitées ou l’absence de compétences techniques.
C’est faux. Ou du moins, c’est incomplet.
Ce qui freine véritablement notre continent, c’est le manque de confiance. Confiance en soi, en l’autre, en nos produits, en nos systèmes.
Les ressources existent. Mais elles ne circulent pas.
L’Afrique regorge de richesses naturelles, de terres arables, de climats favorables, de biodiversité exceptionnelle.
Des financements existent — publics, privés, internationaux.
Des jeunes sont formés, innovants, motivés.
Et pourtant, combien de projets échouent?
Pas faute de capacité. Mais parce que personne n’a cru suffisamment pour les porter jusqu’au bout.
- L’entrepreneur n’a pas cru que sa coopérative pouvait conquérir le marché.
- Le client n’a pas cru que le produit local en valait la peine.
- L’investisseur n’a pas cru que l’agriculteur tiendrait ses engagements.
- Le collaborateur n’a pas cru que son rôle comptait ou que son patron l’honorerait une fois le succès au rendez-vous.
- L’État n’a pas cru que soutenir massivement les filières agricoles locales était une priorité stratégique qui pourrait générer des bénéfices à postériori.
La compétence est là. Mais elle est souvent ignorée.
Dans toutes les régions d’Afrique, des experts locaux maîtrisent l’irrigation, la transformation, la fertilité des sols, la logistique agricole…
Mais qui leur donne réellement la parole?
Combien d’organisations préfèrent faire venir un “expert” de l’extérieur plutôt que d’écouter celui qui, discrètement, fait pousser des miracles depuis 10 ans sur un terrain pourtant difficile?
Combien de jeunes formés ici se battent pour se faire reconnaître dans leurs propres communautés?
Ce n’est pas la compétence qui manque. C’est la confiance qu’on accorde à ceux qui la possèdent.
Ce manque de confiance est un poison lent
Il y a quelques jours, nous avons eu une discussion extrêmement intéressante avec une potentielle cliente chez Agrifrika. Cette dernière produit de la charcuterie à base de poissons d’eau douce. À plus de 60%, elle s’approvisionne auprès de pisciculteurs locaux, jeunes comme elle. Pourtant, elle n’arrive pas à négocier des délais de paiement intéressants. Ses fournisseurs veulent se faire payer au moment de la livraison. Le problème, c’est qu’elle de son côté travaille avec des clients formels qui règlent ses factures au bout de 15 jours. Par conséquent, un fonctionnement pareil la mettrait rapidement en tension de trésorerie. Ce qu’elle fait aujourd’hui, c’est prendre des quantités qu’elle est en mesure de payer directement, attendre les paiements de ses clients à elle, puis commander de nouveau. Dans ce processus désavantageux, elle perd une part de marché, ses fournisseurs réduisent les ventes potentielles qu’ils auraient pu réaliser et même ses clients s’exposent à une éventuelle rupture de stock. Tout le monde y perd.
Quand la confiance disparaît :
- Les idées ne deviennent pas des projets.
- Les projets ne trouvent pas de financements.
- Les financements ne se transforment pas en impact.
- Les financements qui aboutissent laissent un gros manque à gagner.
- Les talents partent.
- Et ceux qui restent, s’auto-censurent.
Ce cercle vicieux alimente une frustration silencieuse, un sentiment d’impuissance collective.
Et surtout, il ralentit tout. Absolument tout.
Ce que nous devons rebâtir : une confiance active et exigeante
Chez Agrifrika, nous croyons que la confiance n’est pas un acte aveugle. C’est une stratégie.
Dans le cas précis illustré ci-dessus, nous nous sommes engagés à structurer une collaboration entre ces acteurs de la chaîne piscicole. Collaboration au sujet de laquelle nous vous donnerons des nouvelles prochainement.
Il ne s’agit pas de faire confiance “pour faire plaisir”.
Mais de créer des systèmes :
- qui responsabilisent,
- qui accompagnent,
- qui récompensent le sérieux,
- et qui donnent des secondes chances à ceux qui tombent mais se relèvent.
Nous croyons aux écosystèmes où le producteur fait confiance au logisticien, qui fait confiance au transformateur, qui fait confiance au distributeur, qui fait confiance au consommateur, qui fait confiance à la qualité locale.
Conclusion : La première ressource dont l’Afrique a besoin… c’est la foi en elle-même.
Pas de développement sans confiance.
Pas d’agriculture durable sans valorisation des acteurs.
Pas de souveraineté sans croyance profonde en notre propre capacité à créer de la valeur.
Ce que nous cultivons d’abord, avant les terres, ce sont les liens.
Ce que nous devons irriguer en priorité, ce sont les relations de confiance.
Et cela, personne ne viendra le faire à notre place.


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