De la ferme à la table : pourquoi un modèle intégré est nécessaire en Afrique

Quand on évoque un modèle intégré en agriculture, beaucoup imaginent aussitôt un schéma d’intégration verticale où un seul acteur contrôle toute la chaîne, de la production à la distribution. Pourtant, le modèle que je défends pour l’Afrique est bien différent. Il ne s’agit pas de concentrer le pouvoir entre les mains d’un seul, mais de mettre en commun les forces de tous les acteurs : producteurs, transformateurs, distributeurs, décideurs publics et communicants.

De la ferme à la table, chaque maillon compte. Le producteur cultive et élève, le transformateur valorise la matière première, le distributeur assure la disponibilité, le décideur crée un environnement favorable, et le communicant incite à la consommation des produits du terroir. Si chacun agit seul, la chaîne reste fragile. En revanche, lorsqu’ils avancent ensemble, le système gagne en solidité, en régularité et en attractivité.

Aujourd’hui, l’Afrique souffre encore trop souvent d’une chaîne agricole morcelée. Le producteur ne sait pas toujours à qui vendre, le transformateur peine à garantir un approvisionnement constant, le distributeur se tourne vers l’importation pour remplir ses rayons, et le consommateur n’a pas toujours envie – ou confiance – dans le produit local. Ce manque de coordination entraîne des pertes post-récolte massives, renforce la dépendance aux importations et dilapide un potentiel agricole immense.

Ailleurs dans le monde, des modèles intégrés ont déjà prouvé leur efficacité. En Italie, la filière du Parmigiano Reggiano unit producteurs, affineurs, distributeurs et État pour garantir qualité, origine et promotion, permettant d’exporter dans plus de 150 pays tout en maintenant des prix rémunérateurs. En France, les labels comme Label Rouge ou AOP ne sont pas de simples certifications : ce sont des filières entières qui co-construisent leur image et leur marché. En Thaïlande, le riz jasmin bénéficie d’un système coordonné du champ jusqu’aux marchés internationaux, assurant standard unique et protection des agriculteurs.

Ces exemples montrent qu’il ne s’agit pas d’un acteur unique dictant ses règles, mais d’alliances structurées où chacun reste maître de son rôle tout en travaillant vers un objectif commun.

En Afrique, des produits comme le café éthiopien, le cacao ivoirien, le tilapia du Nil, le manioc camerounais ou le poivre de Penja pourraient suivre cette voie. Pour cela, il faut sécuriser la production en quantité et en qualité, développer la transformation locale pour capter la valeur ajoutée, renforcer la logistique, et surtout créer une communication puissante qui donne envie de consommer local. Les politiques publiques et les acteurs privés doivent avancer ensemble, dans une logique de filières coordonnées.Chez Agrifrika, nous croyons que le futur de l’agriculture africaine passera par ces modèles intégrés. Pas pour centraliser le pouvoir, mais pour aligner les intérêts et faire en sorte que, de la ferme à la table, chaque acteur trouve sa place et en tire un bénéfice juste. Un produit local consommé, c’est un emploi préservé, une économie renforcée et une souveraineté consolidée.


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